Sans la bronca d’éleveurs, la montbéliarde ne serait que pie rouge
Dans les années 1960, Paris voulait que la montbéliarde se fonde dans le groupe racial des pies rouges de l’Est. Des Francs-Comtois se sont mobilisés contre.
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La montbéliarde n’a pas toujours été la grande race qu’elle est devenue. « Elle revient même de loin », rappelle Philippe Marguet, ancien professeur de zootechnie du lycée agricole LaSalle à Levier (Doubs) et fin connaisseur de la race. Il vient, pour la Fédération des comices du Doubs, de produire un livre, Sur les traces de la montbéliarde, mettant en lumière de nombreuses archives… Retour avant les années 1960, quand coexistaient trois rameaux pies rouges : la tachetée de l’Est rebaptisée pie rouge de l’Est puis simmental française, l’abondance et la montbéliarde. Si cette dernière apparaît sous ce nom lors d’un concours à Langres, en 1872 (succèdant à la race d’Alsace, terme rejeté à la suite de l’annexion par l’Allemagne) puis sous celui de race franco-suisse, elle prend diverses autres nominations : la race de Maîche, la comtoise améliorée ou encore la race jurassique. Ajoutons aussi un concours à Lons-le-Saunier en 1922 qui l’opposait à la simmental. « La montbéliarde y a raflé tous les prix. »
Tollé dans le Doubs
Mais au début des années 1960, pour Paris, l’heure est à la simplification du nombre de races. Les velléités de l’État provoquent un tollé dans le Doubs. Deux hommes et un clan portent la révolte : Benjamin Kohler, professeur d’agriculture et ancien directeur de l’Enil (École nationale de l’industrie laitière) de Mamirolle, Edmond Nétillard, de Roches-les-Blamont, éleveur et ancien président du herd-book montbéliard et les familles Mamet, sur le secteur des Fins.« En 1959, la montbéliarde s’expose au Salon de l’agriculture sous l’appellation rameau. Joseph Mamet et ses complices remplacent le panneau par celui de montbéliarde pour revendiquer la race qu’ils défendent ardemment. L’année suivante, la montbéliarde ne se rendra pas à Paris car obligée d’y participer sous l’ombrelle des pies rouges », confirme Philippe Marguet. En 1961, elle s’y expose à nouveau en tant que telle. « L’État a reculé et notre race a obtenu une vraie reconnaissance. » 1963 sera l’année du dernier concours spécial pie rouge à Chaumont (Haute-Marne) rassemblant les trois rameaux, 1965 l’année du premier spécial montbéliard, à Besançon. Dans son ouvrage, Voyage au pays des montbéliardes, Dominique Jacques, sociologue, relate ainsi la fronde en citant Jean-Baptiste Pacalon, ancien directeur du herd-book : « Accepter la fusion revient à accepter de discuter de notre race dans une structure où la montbéliarde se retrouverait minoritaire. » Impensable à cette époque.
Joseph GilbèrEPour accéder à l'ensembles nos offres :